Évaluation du blindage des salles de rayons X au moyen d'une caméra de radiographie industrielle munie d'une capsule de thulium 170i

 

J.M. LÉGARÉ, M. SIMARD, P.E. CARRIÈRESii

(Manuscrit reçu le 25 juillet 1983)

 

Radioprotection, vol. 19 (3), 211 à 225, 1984 - Gédim.

 

Sincères remerciements à la revue Radioprotection pour son autorisation de placer cet article gratuitement sur mon site Internet

 

Page principale de Jean-Marc Légaré

Table des matières

Services professionnels de radioprotection

Table des matières

 

Résumé

Abstract

I. Introduction

II. Méthode expérimentale

III. Résultats

IV. Discussion

V- Bibliographie

 

Résumé

 

Les revêtements de finition sur les parois d'une salle de rayons X nous empêchent habituellement de procéder par inspection visuelle à une évaluation des épaisseurs de plomb et des autres matériaux de blindage et de déceler les failles possibles. Comme il arrive assez souvent de ne pouvoir faire une telle évaluation avec un appareil à rayons X, on peut alors utiliser une source radioactive appropriée. Certains ont utilisé le 99mTc à demi-vie très courte (6 h) et le 144Ce dont la courbe de transmission au travers du plomb ne nous permet pas de distinguer facilement entre 0,8 et 1,6 mm Pb, épaisseurs très en usage en Amérique du Nord. Avec le 170Tm (T1/2 = 127 j ; 84 keV) nous avons obtenu des données de transmission au travers d'épaisseurs variées de feuilles de plomb laminé, de verre ordinaire, de dalles de béton, de panneaux de gypse ainsi que de sections (60 x 60 cm) de murs simulés faits de panneaux de gypse espacés et contenant différentes épaisseurs de plomb tels qu'érigés habituellement dans les bâtisses d'Amérique du Nord. Nos résultats indiquent qu'avec le 170Tm nous pouvons bien distinguer entre 0,8 et 1 ,6 mm Pb, et faire une évaluation de blindage jusqu'à 4,0 mm Pb à la condition de tenir compte de l'atténuation due aux matériaux de construction. Sinon, on surévaluera le blindage au plomb.

 

Abstract

 

Shielding thickness distribution and flaws are not readily available for evaluation during inspection work because the lead is usually no longer visible after the room finishing is completed. This is also often the case for concrete slabs or walls. When the evaluation cannot be performed adequately with an X-ray unit, an appropriate radioactive source can be used. Many used 99mTc with a very short half-life of 6 h and 144Ce, whose transmission curves for lead make it difficult to differentiate between 0.8 and 1.6 mm Pb which are often used commercially in North America. We present he retransmission data obtained for 170Tm (T 1/2 = 127 d ; 84 keV) through various thicknesses of laminated lead sheets, lead glass, ordinary plate glass, concrete slabs, gypsum boards as well as simulated wall sections (60 x 60 cm) made of spaced gypsum boards only or shielded with vanous available lead thicknesses commonly found in North American buildings. The results show that 170Tm makes it possible to differentiate between 0.8 and 1.6 mm Pb, and a shielding evaluation is possible up to 4.0 mm Pb as long as the building material attenuation is taken into account in order to avoid lead equivalency overestimation.

     
  1. Communication présentée au 27e congrès de la Health physics Society, Las Vegas, 27 juin - le 1 juillet 1982.
  2. Ministère de l'Environnement du Québec, division de radioprotection, 5199 Est, rue Sherbrooke, suite 3860, Montréal, Québec, H1T 3X9 Canada.

 

Introduction

 

Lorsqu'une salle de rayons X est blindée contre ce rayonnement selon les diverses spécifications par du plomb et du béton [2, 8, 9 - 12] et, en ce qui concerne le plafond, si les surfaces au-dessus de ce plafond sont inoccupées (6], par de l'acier [15], par des panneaux de gypse de densité 0,7 g/cm3 et de verre [15], il est de mise d'effectuer une vérification visuelle durant la construction et après l'addition du blindage mais avant le parachèvement du revêtement de finition. Cette vérification finale des épaisseurs et des fuites possibles de rayonnements porte habituellement sur les épaisseurs réelles de matériaux de blindage utilisées ainsi que sur les précautions habituelles prévues lors de leur pose. Elle tient compte de l'emplacement des appareils émetteurs de rayons X et des écrans verticaux et horizontaux pour atténuer les rayonnements primaires et secondaires, c'est-à-dire pour le rayonnement de fuite à travers les parois de la gaine métallique et du collimateur et les rayons diffusés par les surfaces à irradier par l'appareil à rayons X pour lequel l'installation a été prévue.

Lorsque le constructeur pose des panneaux de bois ou de gypse dont le plomb collé se trouve à l'intérieur du mur, les épaisseurs réelles de plomb ainsi que les perforations et les mauvais joints sont invisibles lors de l'inspection visuelle à moins que l'inspection ne se poursuive lors de la pose de chaque panneau plombé. Il est également difficile d'attester la conformité des dalles de béton à moins de les perforer en des endroits pertinents après autorisation ou à moins qu'on puisse vraiment voir la bordure de ces dalles.

Pour les installations ayant des appareils à rayons X à débit continu (radiothérapie, radiobiologie, radiographie industrielle et jauge), on peut vérifier par transmission des rayons X primaires au moyen d'un compteur approprié, le blindage et la conformité des équivalences de blindage des murs, du plafond et du plancher en utilisant l'appareil à rayons X à sa haute tension maximale prévue et à courant faible connu pourvu qu'une telle vérification puisse attendre ce moment-là et que l'on puisse diriger le faisceau primaire aux endroits voulus.

En radiodiagnostic, on peut vérifier le blindage des parois de la salle de radioscopie avec un générateur X fonctionnant suivant un mode déterminé (manuel ou automatique), une haute tension élevée et un courant faible en comparant, au moyen d'un compteur Geiger ou d'une chambre d'ionisation équipée d'un débitmètre à réponse rapide, le débit d'exposition engendré par les rayons X diffusés par un mannequin de masonite ou de tout autre matériau approprié à l'extérieur et à l'intérieur des matériaux de blindage des parois. Il est nécessaire, cependant, d'éviter de faire surchauffer l'appareil et pour ce faire, un moyen de communication verbal avec l'opérateur du générateur X doit être prévu afin de pouvoir transmettre facilement les paramètres de fonctionnement affichés au pupitre de commande et limiter ainsi les durées d'exposition. En radiographie médicale, on utilise les mêmes principes de transmission mais en les appliquant au faisceau primaire, là où il est possible de le diriger. On doit, toutefois, utiliser un appareil de détection muni d'une chambre d'ionisation sensible et permettant la lecture de la dose accumulée lors de chacune des expositions. En première approximation, on compare ensuite en radiographie et en radioscopie le pourcentage de transmission pour chacune des parois vérifiées à celui publié pour le plomb [5, 8, 9 et 12]. Pour plus de précision, on les compare à la propre courbe de transmission pour un grand champ que donne l'appareil à rayons X de la salle. On peut améliorer encore plus la précision de l'évaluation expérimentale de l'équivalence en plomb des parois de blindage inconnues en comparant la transmission des rayons X à travers ces parois à celle obtenue sur des simili-murs comparables ; ces derniers utilisent des matériaux de construction connus avec espacements typiques sur lesquels se trouvent des épaisseurs de plomb différentes. Les petits murs utilisés dans ce travail sont déplaçables et de dimensions restreintes. Les équivalences de plomb ainsi vérifiées concernent des points bien spécifiques et n'offrent aucune garantie du blindage en tous points de cette paroi. Cette dernière méthode est à l'abri des erreurs dues à l'imprécision possible de la haute tension de l'appareil et aussi ne dépend pas des résultats des autres auteurs et de leur méthode expérimentale avec leur appareillage. Une autre façon de vérifier le blindage des salles de rayons X dont l'appareillage n'est pas encore installé ou lorsqu'on ne peut pas orienter le faisceau de rayons X où l'on veut, est d'amener sur place un appareil à rayons X mobile de haute tension - 100 kV ou davantage - et de faibles courants. Avant d'utiliser un tel appareil, on a pu faire des courbes de transmission pour diverses combinaisons de matériaux avec diverses dispositions telles qu'utilisées en pratique dans les divers services de radiodiagnostic.

Au lieu d'employer un appareil à rayons X, on peut aussi utiliser un radioisotope approprié et un débitmètre sensible. A ce sujet, l'on s'est déjà servi de 1,2 GBq (250 mCi) de cérium 144 comme source non scellée [16]. Ce travail a montré que les épaisseurs de plomb utilisées commercialement en Amérique du Nord, soient 0,8, 1,6, 2,4 et 3,2 mm de plomb laissaient passer successivement 17, 9,6, 7,7 et 6,7 % des rayons X incidents, tels que mesurés par un compteur à scintillations. D'autres se servent officieusement du technétium 99m que l'on retrouve en médecine nucléaire. Les pourcentages de transmission obtenus pour cette source par nos compteurs Geiger et nos chambres d'ionisation sont en moyenne 12, 2, 0,2 et 0,03 % de la valeur lue à la même distance mais en l'absence de tout matériau. Ces valeurs s'appliquent aux épaisseurs de plomb énumérées ci-dessus placées à l'intérieur du muret de gypse décrit ci-dessus [7]. Nous avons considéré d'autres radioéléments sous forme de sources scellées ou non [7].

Dans la méthode radioisotopique de détermination du blindage, les principales caractéristiques à rechercher se trouvent au tableau I.

 

Tableau I

 

Caractéristiques recherchées pour un radioisotope seront à déterminer l'équivalence du blindage installe

 

- Source scellée

- Émission de rayons gamma

- Émission monoénergétique unique de la source photonique ionisante

- Isotope sur un grand angle solide

- Absence d'émission bêta surtout de haute énergie afin d'éviter les rayonnements de freinage

- Possibilité de collimation

- Longue durée de vie utile

- Débit suffisant pour les compteurs disponibles mais pas trop élevé afin de ne pas surexposer les films et les individus

- Transmission mesurable et différentiable au-delà de 0,8 à 4 mm Pb

- Energies offrant peu d'effets d'interférence dus aux matériaux de construction et à leur disposition

- Obtention facile commercialement de la source et de son dispositif

- Obtention facile de licence gouvernementale

- Facilité de transport et de manipulation (grandeur, masse et conception)

- Aspects sécuritaires

- Coûts minimaux de source/dispositif, à court et à long terme

- Nature du compteur disponible (sensibilité, réponse énergétique, autonomie, poids, maniabilité, etc.)

 

Méthode expérimentale

 

Dans ce travail, nous avons utilisé une source radioactive de thulium 170 dont l'énergie des rayons gamma est de 84 keV et la période de vie de 127 j. Cette source est disponible commercialement à prix raisonnable en radiographie industrielle. L'énergie moyenne des particules bêta est de 315 keV et leur énergie maximale est de 970 keV. Cette source cylindrique mesure 4 x 4 mm. Elle est à l'intérieur d'une capsule d'acier inoxydable soudée à un petit câble d'acier flexible, tel qu'utilisé couramment en radiographie industrielle (fig. 1). La figure 2 illustre, à l'échelle, la capsule soudée à son petit câble inoxydable ainsi que le câble et le collimateur offrant un angle d'ouverture de 60o. La figure 3 montre la caméra avec câbles (boyaux) distal et proximal munis d'un mécanisme pousse-tire. L'ensemble sur roue, outre le petit collimateur de plomb, pèse 61 kg. II est vérouillable de chaque côté. Le collimateur utilisé habituellement avec de l'iridium 192 a une masse de 1,35 kg.

 

Fig. 1.

Source de 1480-3700 GBq (40-100 Ci) de 170Tm et de 4 x 4 mm scellée dans sa capsule d'acier inoxydable (Amersham Corp.) (dimensions en millimètres).

 

Fig. 2.

Vue à l'échelle de l'ensemble capsule/câble d'acier flexible, câble distal à la caméra et collimateur avec ouverture de 60o conçu originalement pour l'iridium 192.

 

Fig. 3.

Caméra de radiographie industrielle Tech/Ops modèle 490 avec câbles proximal et distal et utilisation du collimateur dirigé vers un mur à évaluer en blindage.

 

Nous avons mesuré l'émission utile de notre source photonique dont l'activité nominale était de 2479 GBq ( (67 Ci) initialement au 4 novembre 1980 avec une activité équivalente de 1615 GBq (43,6 Ci) au 24 novembre 1980 selon le fabricant Amersham Corp. Nous avons obtenu avec le rayonnement de freinage inclus un débit d'exposition de 3,0 mR/h.Ci à 1 m, avec et sans collimateur. D'après le fabricant de notre capsule, ce débit sans le rayonnement de freinage est de 2,2 mR/h.Ci et peut varier selon le type de capsule. Nous avions, au début, environ 200 mR/h (41,4 nC/kg.s) dans l'air pour une source de 2479 GBq (67 Ci). Nous avons fait ces mesures ainsi que la plupart des mesures ci-dessous au moyen d'un appareil de table Pitman de modèle 37 C avec chambres d'ionisation de 25 ml (environ 6 cm de long x 3,5 cm de diam. et 250 ml (environ 9 cm de long x 8 cm de diam.).

Nous avons mesuré au moyen d'un compteur Geiger Berthold LB 1200 la distribution angulaire d'émission provenant de la source en irradiation panoramique (collimateur enlevé) dans un plan perpendiculaire à la source et dans un plan passant par l'axe de la capsule.

Lors des mesures de transmission, nous avons utilisé des distances source-compteur de 1 m et 2 m et nous avons ajouté devant la chambre d'ionisation ou devant le compteur Geiger des écrans de 60 x 60 cm de diverses natures et de diverses configurations expérimentales simulant celles utilisées dans les constructions nord-américaines. Les matériaux utilisés pour ces écrans étaient, dans ce montage, des feuilles de plomb d'épaisseurs multiples de 0,8 mm, seules ou en sandwich avec des panneaux de gypse commerciaux de 0,95 et de 1,6 cm d'épaisseur (fig. 4a) et ayant une densité de 0,7 g/cm3 [5], en contact ou séparés (fig. 4). Nous avons aussi mesuré la transmission au travers de 1 à 3 panneaux de verre de 1,9 cm d'épaisseur chacun et ayant une densité de 2,6 g/cm3 ainsi qu'à travers une ou plusieurs dalles de béton en contact. Les appareils de mesures étaient tour à tour de deux catégories, soit une chambre d'ionisation (Pitman Mod. 37 C) avec chambre de 350 ou 35 ml ou Victoreen « Panoramic » modèle 470 A fonctionnant tous en mode débitmètre ainsi qu'un appareil de type Geiger (Berthold LB 1200). Pour ce dernier appareil, les échelles étaient de 0,1, 1, 10 et 100 mR/h. La connaissance de certains résultats de transmission à travers le plomb, l'acier, l'uranium et le béton pour les rayons photoniques ionisants primaires [4 et 14] et des coefficients d'absorption [1 et 3] ont servi de guide au début dans le choix de la source radioactive ainsi que dans l'élaboration de la méthode expérimentale. Lors des mesures expérimentales en laboratoire et à l'extérieur des bâtiments, nous avons ajouté des caches plombées sur le plancher et latéralement afin de mesurer seulement les rayons X transmis et diffusés par les matériaux de blindage à évaluer. Cela devenait important lorsque la transmission devenait faible par rapport aux rayons X diffusés parasites. L'addition de très grandes épaisseurs de blindage devant les matériaux sous essais permettait de connaître le bruit de fond et de s'assurer de l'élimination de ce rayonnement indésirable. Les figures 4a et 4b illustrent des montages expérimentaux typiques. Tous les matériaux expérimentaux avaient des dimensions d'au moins 60 x 60 cm afin d'assurer les conditions de grands champs et d'éviter aussi la diffusion mentionnée ci-dessus qui provenait du plancher, des murs et du plafond lorsque présents.

 

Fig. 4.

Montage expérimental pour mesurer le pourcentage de transmission d'un faisceau large au moyen d'une chambre d'ionisation d'un appareil de table Pitman placé en contact au-delà de :

a) une ou plusieurs épaisseurs superposées de gypse, de verre, de verre plombé et de plomb ;

b) un muret ayant une épaisseur de plomb multiple de 0,8 mm placé en contact entre deux panneaux de gypse, ensemble situe à une distance de 0 et de 8,9 cm de la surface intérieure d'un autre panneau de gypse.

 

Nous avons finalement effectué des mesures comparatives de transmission pour des murets de 60 x 60 cm (fig. 5) et 30 x 30 cm dont les paires de panneaux de gypse étaient séparés d'un espace d'air de 8,9 cm. L'intérieur du panneau du côté de la salle de radiodiagnostic à simuler ou du côté où se trouvait la source de 170Tm pouvait avoir ou non un revêtement de plomb d'une épaisseur multiple de 0,8 mm Pb. Chaque feuille de gypse dans cette expérience avait 1,3 cm d'épaisseur, ce qui représente la situation la plus représentative des constructions des murs en Amérique du Nord, tout comme pour l'espacement de 8,9 cm mentionné ci-dessus. Le compteur Geiger Berthold LB 1 200 et le détecteur Victoreen « Panoramic » ont servi à faire des mesures presque simultanées sans changer le montage entre les lectures successives.

 

Fig. 5.

Muret avec deux panneaux de gypse de 1,3 cm d'épaisseur chacun, muni d'un revêtement de plomb sur la partie intérieure du panneau de gypse attenant à la salle d'irradiation. Les épaisseurs du plomb sont de 0, 0,8, 1,6, 2,4 ou 3,2 mm.

 

Résultats

 

La distribution angulaire du débit d'exposition mesurée sans collimateur dans un plan perpendiculaire à l'axe longitudinal de la capsule était bien homogène comme prévue. Par contre, dans les plans passant par cet axe, l'émission n'était homogène que pour les zones comprises entre les angles de 45o et 135o et entre 225o et 315o. Le débit d'exposition était moindre selon un angle de 0o, c'est-à-dire au bout de la source et vers les coins obliques de la capsule en raison d'une plus grande épaisseur d'acier (fig. 1) ainsi qu'à l'arrière de la source blindée par le câble et les autres structures de support du câble porteur de source.

 

Fig. 6

Spectre d'émission en intensité relative en fonction de l'énergie en keV des rayonnements ionisants provenant de la source de 170Tm utilisée dans l'embout d'aluminium avec le collimateur de plomb.

 

La figure 6 illustre le spectre gamma jusqu'à 500 keV de la source de 170Tm vieille d'environ deux ans, dans sa capsule d'acier entourée du câble d'aluminium, le tout en position dans un collimateur en plomb à ouverture conique de 60o. Ce spectre nous fait voir deux premiers pics photo-électriques d'énergie 52,4 et 59,3 keV correspondant aux rayons X caractéristiques des raies Ka1 et Kb2 de l'ytterbium 170, élément stable dérivé du thulium 170. Ces rayons X proviennent des transitions entre les niveaux excités et le niveau fondamental de 170Yb. Quant au dernier pic de 84,3 keV, le plus intense, il correspond à l'émission gamma caractéristique du 170Tm. Remarquons la présence dans ce spectre de deux petits pics voisins d'énergie 74,9 et 72,8 keV, correspondant aux raies X Ka1 et Ka2 du plomb du collimateur émis à la suite de l'irradiation de ce plomb par les rayons gamma de 84,3 keV du 170Tm. II s'agit ici d'un phénomène de fluorescence X. C'est l'lnstitut de génie nucléaire de l'École Polytechnique de Montréal qui a effectué l'analyse spectrogammamétrique de notre capsule de 170Tm placée dans l'embout d'aluminium du câble de la caméra et dans le collimateur. Un détecteur de type Ge (Li) de 35 cm3 relié à un analyseur multicanal de 4096 canaux a été utilisé. Le spectre a été corrigé en tenant compte de la diffusion Compton et de l'éfficacité de détection en fonction de l'énergie des gamma. Les calculs de correction ont été effectués sur l'ordinateur IBM 43/41 de l'École Polytechnique. Remarquons aussi la présence dans ce spectre d'un continuum de rayonnements de freinage (Bremsstrahlung) produit par l'interaction des particules bêta émise par le 170Tm sur la capsule d'acier et le câble d'aluminium.

 

Fig. 7.

Pourcentages de transmission d'un grand faisceau de rayons gamma et de freinage combinés provenant de la capsule contenant une source de 170Tm, basés sur des mesures à 1 et 2 m de distance en fonction des épaisseurs de gypse, de verre, de béton, de plomb avec 4,8 cm de gypse. L'appareil de table Pitman a servi dans les mesures.

 

La figure 7 donne les pourcentages de transmission des rayonnements gamma et de freinage pour des grands champs en fonction des épaisseurs des matériaux suivants : plomb, béton, panneaux de verre, panneaux de gypse. Les courbes de transmission décroissent lentement par suite de l'utilisation de grands champs d'irradiation et par suite de la présence de rayonnements de freinage de haute énergie provenant de la capsule d'acier irradiée par les bêta de haute énergie du Tm 170.

Pour des épaisseurs de béton de 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18 et 20 cm, on peut interpoler les pourcentages suivants 76, 57, 43, 32, 23, 16, 11, 8,0, 5,4 et 3,7 %. Au sujet des autres courbes sur ce graphique, les détails qui sont compris sur les tableaux II et III nous donnent également des résultats mesurés avec l'appareil Pitman pour diverses combinaisons de matériaux disposés selon divers modes d'utilisation.

On voit sur le tableau III et sur la figure 7 qu'on ne doit pas trouver l'équivalence en s'appuyant uniquement sur une courbe de transmission à travers le plomb seul. Si l'on fait cette simplification, on peut surévaluer le blindage de plomb existant jusqu'à environ 20 % (ex. 0,8 m m Pb ou plus). On voit aussi que l'on ne peut utiliser pour l'évaluation du blindage les équivalences de plomb publiées, soit 0,035 mm Pb pour une feuille de gypse de 0,95 cm d'épaisseur et de 0,065 mm Pb pour une feuille de gypse de 1 ,6 cm d'épaisseur, tant pour les rayons primaires que diffusés [5].

 

Tableau II

Pourcentage de transmission des rayonnements gamma et de freinage à travers le gypse, le verre et le verre au plomb pour diverses géométries (grands champs)

 

Tableau III

Pourcentage de transmission des rayonnements gamma et de freinage combines pour diverses géométries à travers des murets oic le plomb est en sandwich avec le gypse du caté proximal à la salle d'irradiation

 

Le verre au plomb dont l'équivalence commerciale est donnée comme étant de 1,5 mm Pb donne selon le tableau II une transmission de 35,3 % et 30, 1 % à 1 et 2 m de distance au lieu de 46 % attendu selon la courbe de transmission à travers une feuille de plomb de cette épaisseur. On doit donc utiliser les valeurs mesurées avec un verre au plomb d'épaisseur connue pour passer à l'évaluation d'un verre au plomb d'épaisseur inconnue.

Pour évaluer l'épaisseur totale inconnue d'un verre, on peut utiliser les résultats du tableau II. En effet, 1 , 2 et 3 épaisseurs de verre de 1 ,9 cm d'épaisseur chacune dont les équivalences en plomb sont de 0,16, 0,32 et 0,50 mm Pb [15] transmettent en moyenne, pour 1 et 2 m de distance, 76, 56 et 41 %.

Lorsqu'on veut réduire le débit d'exposition provenant d'une source de trop haute activité initiale, ou si l'on veut réduire la contribution des rayons mous du spectre d'émission sortant de la capsule, on peut filtrer le faisceau en plaçant un filtre plan devant l'ouverture du collimateur. La fig. 8 nous donne justement la moyenne des résultats obtenus avec un compteur Victoreen « Panoramic », modèle 470A et un compteur Geiger Berthold LB 1 200 après y avoir placé une feuille de 3,2 mm Pb tout près de la source. La courbe de transmission devient alors plus intéressante parce qu'elle est moins courbée et les pentes des courbes demeurent constantes pour diverses épaisseurs de plomb ajouté à l'intérieur des deux panneaux de gypse de 1,3 cm d'épaisseur qui ont pu avoir été posées dans le passé dans les murs inconnus dont le blindage est à évaluer. L'addition d'un filtre plan en contact avec la face du collimateur utilisé rend toutefois la source moins isotrope à cause de rayons qui traversent ce filtre obliquement. Afin d'éviter l'effet d'obliquité, on peut utiliser un filtre métallique de forme hémisphérique. La faible intensité des rayons émergeant du filtre ne permettait plus (en fin 1982) d'effectuer les mesures à 2 m avec les compteurs utilisés dans ce travail.

 

Fig. 8.

Pourcentage de transmission d'un faisceau large de rayonnements gamma et de freinage combinés issus de la capsule après filtration par 3,2 mm Pb à travers une paire de panneaux de gypse de 1,3 cm d'épaisseur chacun avec espace intérieur de 8,9 cm où se trouve un multiple de 0,8 mm Pb. Les appareils portatifs suivants ont servi : Geiger Berthold LB 1200 et chambre d'ionisation Victoreen (Panoramic).

 

En pratique, on peut utiliser de façon optimale une source de 170Tm industrielle pendant deux ans pourvu que :

  1. la source équipant la caméra appropriée ait une activité initiale d'au moins 1480 GBq (40 Ci) ;
  2. l'on effectue préalablement des mesures expérimentales de transmission pour des distances typiques avec un compteur très sensible à travers des murets simulant les murs avec plomb et autres matériaux divers tels que ceux disposés que l'on aura à évaluer ultérieurement ;
  3. l'on utilise un collimateur et des temps d'exposition relativement courts afin de ne pas voiler les films qui pourraient se trouver sur place lors de l'évaluation des épaisseurs de plomb ou de béton des murs, du plancher et du plafond de la salle d'irradiation. On peut augmenter davantage la vie utile de la source en utilisant un détecteur à scintillations à un ou plusieurs canaux.

 

Discussion

 

Au sujet de cette méthode radioisotopique utilisant une capsule d'acier contenant une source de 4 x 4 mm de 170Tm, nous n'avons pas,dans cette étude, évalué l'influence de l'addition d'autres matériaux, tels les faux plafonds, les revêtements de plancher, etc.

Dans l'évaluation du blindage des parois où il y a des ouvertures, tels les portes et les murs avoisinants de cette porte et les murets protecteurs et son verre au plomb, nous avons apporté sur place les murets mentionnés ci-dessus et nous les avons placés dans ces ouvertures (fig. 5) ; de cette façon, on a éliminé le facteur distance. Au sujet des essais préalables avec de tels murets de gypse avec ou sans feuille de plomb à l'intérieur, on peut, selon nos mesures, les réduire de 60 x 60 cm à environ 45 x 45 cm. Lorsqu'on les réduit à 30 x 30 cm, l'influence de la diffusion venant des côtés augmente les valeurs à cause de la diffusion indésirable qui provient d'au-delà de ces panneaux. Si nous avions affaire à une autre source radioactive dont la courbe de transmission serait plus abrupte, il en serait autrement. D'une façon générale, la diffusion à 5 cm de chacune des bordures des parois de blindage est de l'ordre de 0,1 % à un facteur 2 près selon l'énergie du rayonnement [2]. On doit donc garder ceci à l'esprit dans l'évaluation expérimentale du blindage des murs sur les surfaces limitées mentionnées ci-dessus ainsi que pour l'expérimentation avec de petits murets simulant la nature et la disposition des matériaux dans les murs. Ces données peuvent également nous mettre en garde contre l'utilisation de rayonnement trop facilement absorbables qui conduirait à des situations telles qu'il y aurait plus de rayons diffusés que transmis.

Outre certains inconvénients des rayonnements de freinage provenant des interactions des particules bêta de la source 170Tm avec les parois de la capsule d'acier inoxydable qui les absorbe presque tous, l'énergie des rayons gamma de 84 keV est un bon choix. En effet, si l'on regarde les coefficients d'absorption pour le plomb [3] ainsi que la couche de demi-absorption (CDA) pour les petits champs en fonction de l'énergie des rayons incidents [1], la CDA pour 84 keV est 0,32 mm Pb, ce qui est plus faible qu'on aimerait avoir en pratique ; à 88 keV, la CDA est de 0,38 mmPb. II faut donc des photons d'énergie supérieure à celle correspondant aux discontinuités d'absorption c'est-à-dire supérieure à 168 keV pour augmenter la CDA en mm de Pb. II faut quand même garder à l'esprit qu'une courbe de transmission tombe moins vite pour un grand champ que pour des petits champs. Ces derniers s'appliquent le plus souvent dans les données publiées ailleurs. Idéalement, une CDA d'environ 0,8 mm (220 keV) serait optimal. Commercialement, il y a malheureusement des difficultés à obtenir une source idéale, tant au point de vue de la nature des rayonnements émis et de la durée de vie que pour l'obtention d'une source suffisamment intense à prix abordable [7].

Au sujet de l'évaluation du blindage des murs et des autres parois, il y a avantage à utiliser une source radioactive dont le pourcentage de transmission ne décroît pas trop en fonction de l'épaisseur du plomb et du béton, d'où l'avantage du 170Tm. Idéalement, il serait préférable ne pas avoir de rayonnement de freinage de forte énergie car celui-ci aplatit la courbe de transmission. Pour le cas du 144Ce [16], la courbe de transmission à travers le plomb devenait presque horizontale pour des épaisseurs de 2,4 et 3,2 mm Pb d'où l'impossibilité d'évaluer l'épaisseur de plomb des murs inconnus en raison du manque de différentiation des lectures obtenues sur le compteur à scintillations utilisé. Dans ce travail avec le 144Ce, on n'y indiquait pas en plus l'influence des matériaux de construction accompagnant le plomb des salles d'irradiation. On peut améliorer la méthode et les résultats de transmission et d'interprétation de l'évaluation du blindage des murs inconnus en utilisant un détecteur muni d'une fenêtre électronique variable permettant la discrimination en énergie des rayons X de freinage qui accompagnent les rayons gamma de 84 keV sortant de la capsule d'acier et des murs et murets considérés. En effet, on peut fixer les énergies des rayonnements mesurés par le détecteur de façon à ajuster la pente de la courbe de transmission à notre convenance, entre celle obtenue dans le présent travail et celle correspondant à une énergie de 84 keV. Ce pic, sans rayonnement de freinage donnerait une courbe un peu moins décroissante que celle que nous avons obtenue avec une source de 133Xe [7] dont le rayonnement gamma a une énergie de 81 keV. Le 133Xe nous a donné environ 5, 0,7, 0,1 et environ 0,02 % de transmission pour des épaisseurs correspondantes de 0,8, 1,6, 2,4 et 3,2 mm Pb ajoutées à deux panneaux de gypse de 1,3 cm d'épaisseur chacun placés à 1 m de la source au-delà desquelles se trouvait chacun des deux compteurs [7]. Dans cet autre travail [7], nous avons évalué expérimentalement l'amélioration qu'apporte l'utilisation du compteur monocanal à scintillations réglé à différentes gammes d'énergies.

Dans toutes les mesures de ce genre, il est préférable de connaître les caractéristiques générales d'une catégorie de compteurs [13] et nous croyons plus avantageux d'utiliser les résultats tels qu'obtenus par un compteur en notre possession que de transformer tout en valeurs absolues.

Enfin, mentionnons que les résultats obtenus pour de nouvelles installations dont le plomb et la disposition des autres matériaux ont été contrôlés visuellement, sont en très bonne correspondance avec les résultats obtenus sur les petits murets correspondants. Nous avons donc appliqué avec succès cette méthode radioisotopique du thulium 170 aux installations; dont le blindage était incertain en utilisant une chambre d'ionisation ou un compteur Geiger.

 

Bibliographie

     
  1. BUREAU OF RADIOLOGICAL HEALTH. Radiological Health Handbook Rockville : U.S. Dept. Health, Education and Welfare, 1970.
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  13. NATIONAL COUNCIL ON RADIATION PROTECTION AND MEASUREMENTS. Instrumentation and monitoring methods for radiation protection. Washington NCRP, 1978 (NCRP Report no 57).
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  15. UNION TECHNIQUE DE L'ÉLECTRICITÉ. Installations pour la production et l'utilisation de rayons X. Norme française AFNOR C 15-160, 1961.
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